26 Sep
26Sep

Véritable épée de Damoclès constamment présente au-dessus de la tête de tout salarié, le licenciement pour faute grave effraie autant qu’il intrigue. Définition, preuve, contestation… voici tout ce que vous devez savoir sur la faute grave.


Définition de la faute grave

La faute grave est définie par la jurisprudence (les juges) qui considère que tout comportement personnel du salarié qui rend impossible son maintien dans l’entreprise constitue une faute grave.

Ainsi, la faute grave résulte d’un comportement, d’un fait, d’une faute, d’une omission qui émane personnellement du salarié est qui est suffisamment grave pour justifier son licenciement immédiat, sans préavis.

Les juges considèrent d’ailleurs que si le salarié effectue son préavis, la faute grave n’existe pas (Cass.Soc 12/07/2005 n°03-41536).

La gravité de la faute s’apprécie grâce à ce critère de la nécessité de licencier le salarié presque immédiatement.

Les juges considèrent sur ce point que l’employeur qui a eu connaissance de l’existence d’une faute grave doit engager la procédure dans un délai restreint (Cass. Soc 24/11/2010 n° 09-40928).

Selon le Code du Travail, l’employeur dispose d’un délai de 2 mois lorsqu’il a connaissance d’une faute afin d’engager la procédure de licenciement.

En matière de faute grave, 2 mois c’est bien trop long. Dès que l’employeur a connaissance de la faute et en est sûr, il doit engager la procédure dans la semaine au maximum.

Généralement le lancement d’une procédure de licenciement pour faute grave s’accompagne d’une mise à pied conservatoire. Dès que l’employeur découvre un fait, qui pour lui constitue une faute grave, il engage la procédure et éloigne le salarié de l’entreprise.

Attention, la jurisprudence considère qu’un employeur n’a pas automatiquement à mettre à pied un salarié à titre conservatoire avant de le licencier pour faute grave (Cass. Soc 27/11/2012 n° 11-22579).

Par exemple, dans le cas d’un salarié en congés ou en arrêt maladie durant la procédure la mise à pied n’est pas nécessaire.

Mis à part ces cas particuliers, faute grave et mise à pied conservatoire vont presque toujours de pair.

Pour résumer la faute grave est constituée d’un fait ou ensemble de fait qui sont si préjudiciables à l’entreprise qu’elle doit se séparer du salarié quasi immédiatement dès la découverte de ces faits.

 

Exemples de faute grave :

Tout d’abord, il revient de préciser que la faute grave peut être constituée tant par un fait unique qu’une multitude de faits de même nature ou différents.

Par exemple, un vol d’un seul article, imaginons un ordinateur appartenant à l’entreprise, peut à lui seul constituer une faute grave.

De même, de multiples petits vols dans les caisses commis régulièrement peuvent constituer une faute grave.

Un seul vol couplé à des injures envers un collègue de travail pourrait aussi s’analyser en une faute grave.

La faute grave peut résulter d’un fait positif ou d’une omission. Par exemple le fait de ne pas se présenter à une réunion.

Pour aller plus loin les juges retiennent que la faute grave n’a pas à être intentionnelle (Cass. Soc 05/11/2015 n°14-21517).

Voici quelques illustrations des principales catégories de faits pouvant être qualifiés de faute grave :

  • Des fraudes commises au préjudice de l’entreprise (Cass. soc. 23-1-2007 n° 04-47.947)
  • Des propos racistes tenus au travail (Cass. soc. 25-1-1995 n° 93-42.610).
  • Le vol commis au travail (Cass. soc. 16-1-2007 n° 04-47.051)
  • Les absences injustifiées (Cass. soc. 2-7-2003 n° 01-43.014)
  • L’ abandon de poste, même momentané (Cass. soc. 30-1-1985 n° 82-40.346)
  • Le non-respect des horaires de travail/ retards (Cass. soc. 5-2-2014 n° 12-29.279).
  • L’insubordination / le non-respect des consignes de l’employeur (Cass. soc. 7-5-1998 n° 96-40.477)
  • Les manquements à l’obligation de confidentialité (Cass. soc. 28-6-1972 n° 71-40.435)
  • La déloyauté envers l’entreprise (CA Limoges 23-2-2009 n° 08-1112)
  • La concurrence déloyale/ les détournements de clientèle (Cass. soc. 12-5-1982 n° 80-40.663)
  • Le travail à son compte pendant ses heures de travail (Cass. soc. 30-6-1993 n° 91-43.153).
  • Les menaces (Cass. soc. 30-10-2000 n° 98-45.339) ou insultes à l’égard de collègues de travail (Cass. soc.19-10-2016 n° 15-17.481) ou de l’employeur (Cass. soc. 26-6-2013 n° 12-13.227).
  • Les violences physiques (Cass. soc. 31-5-1990 n° 87-44.414)
  • Le non-respect des règles : règles de sécurité (Cass. soc. 21-2-1991 n° 89-40.654), code de la route (Cass. soc. 5-10-2010 n° 08-44.908) ou d’hygiène (Cass. soc. 4-5-1995 n° 93-46.125)
  • Un comportement déplacé envers la clientèle (Cass. soc. 21-9-2011 n° 10-24.470)
  • La consommation d’alcool (Cass. soc. 9-2-2012 n° 10-19.496) ou de drogues (CA Montpellier 7-4-1999 n° 97-514, P. c/ SARL Brasserie du Cres : RJS 11/00 n° 1201) durant le temps de travail.

… etc, etc…


La procédure de licenciement pour faute grave

En matière de faute grave, l’employeur applique la procédure classique de licenciement pour motif personnel.

La procédure début ainsi par la remise d’une convocation à entretien préalable à licenciement au salarié. Cette convocation doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception ou lettre remise en main propre contre décharge au moins 5 jours ouvrables avant la tenue de l’entretien.

Cette convocation doit préciser les date, heure et lieu de l’entretien. Elle doit également indiquer le fait que le salarié a la possibilité d’être assisté lors de l’entretien et mentionner les adresses des lieux où il peut obtenir communication de la liste des conseillers du salarié (Mairie DIRECCTE) s’il y a lieu.

Lors de l’entretien préalable l’employeur expose les motifs du licenciement et recueille les explications du salarié.

Suite à cet entretien, la lettre de licenciement est communiquée au salarié dans un délai compris entre 2 jours ouvrables et un mois après l’entretien.

Le salarié est licencié et n’appartient plus au personnel de l’entreprise à compter de l’envoi de la lettre de licenciement par l’employeur.

Une des spécificités de la procédure de licenciement pour faute grave tient à la possibilité pour l’employeur de mettre à pied le salarié à titre conservatoire durant la durée de la procédure.

C’est-à-dire que le salarié est informé par l’employeur, habituellement en même temps qu’il est convoqué à un entretien préalable, qu’il ne doit pas se présenter au sein de l’entreprise tant qu’une décision n’a pas été prise s’agissant de son licenciement.

Durant ce temps de mise à pied le salarié n’est pas payé. Il ne le sera que si l’employeur ne retient pas la faute grave. Dans ce dernier cas, le salaire de la période de mise à pied est dû, même si le salarié n’a pas travaillé.


Les conséquences de la faute grave

La première conséquence d’un licenciement pour faute grave est que le contrat de travail est rompu immédiatement, dès l’envoi de la lettre de licenciement. Le salarié n’effectue donc pas de préavis et ne fait plus partie de l’entreprise.

Les choses peuvent aller très vite. Imaginez que vous commettiez une faute grave le lundi 1er juin. L’employeur l’apprend le jour même et vous remet une convocation à entretien préalable pour le lundi suivant, le lundi 8. L’entretien se déroule à cette date. Le jeudi 11 juin l’employeur peut vous notifier sa décision de vous licencier. Sous un délai 10 jours à compter des faits fautifs vous avez été licencié.

La deuxième conséquence de la faute grave est que vous êtes privé de vos indemnités de rupture, à savoir, l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis.

Un salarié licencié pour faute grave ne percevra ainsi que ses congés payés et son dernier salaire à titre de solde de tout compte.

La troisième conséquence de la faute grave est que vous avez le droit de bénéficier des allocations Pôle Emploi. En effet, comme pour toutes les ruptures de contrat de travail qui sont subies par les salariés, vous pouvez vous inscrire à Pôle Emploi et percevoir des allocations chômage.

 

La différence entre faute grave, faute simple et faute lourde

Le licenciement pour faute simple ou pour cause réelle et sérieuse est différent en deux points du licenciement pour faute grave.

D’une part, en cas de faute simple vous effectuez votre préavis et n’êtes licencié qu’à la fin de ce préavis.

D’autre part, en matière de faute simple vous percevez vos indemnités de rupture (indemnités de licenciement et de préavis).

Quant à la faute lourde, il s’agit d’une faute grave aggravée qui existe lorsque la faute du salarié a été commise avec une intention de nuire.

La faute lourde permet à l’employeur, qui porte plainte, de demander une indemnisation au salarié pour les dommages qui ont résulté de sa faute.

A part cela, la faute lourde suit le même régime procédural et a les mêmes conséquences que la faute grave.


Comment et quand contester la faute grave ?

La contestation avant le licenciement : Durant l’entretien préalable :

Lorsqu’il est vous est reproché une faute grave, vous pouvez la contester, dans un premier temps, lors de l’entretien préalable.

Vous disposez d’un délai de 5 ouvrables justement afin de préparer votre défense.

A ce stade, votre défense se limitera principalement à présenter oralement vos explications à l’employeur. Il est donc important, avant l’entretien, de réfléchir à vos arguments et de les organiser. Vous pouvez parfaitement les noter sur une feuille de papier qui vous servira de support, de pense bête lors de l’entretien.

Si vous disposez d’une pièce, d’un écrit prouvant votre innocence vous pouvez parfaitement la communiquer à l’employeur par courrier avant l’entretien ou lui remettre lors de l’entretien.

Enfin, si vous avez fait appel à un conseiller du salarié afin de vous assister lors de l’entretien, il sera optimal de le rencontrer avant l’entretien afin de lui exposer votre situation, ce qui lui permettra d’appuyer votre défense.

La contestation après le licenciement : la saisine du Conseil de Prud’hommes

Le seul moyen afin de faire reconnaitre que la faute grave qui vous est reprochée n’existe pas, ne vous est pas imputable ou qu’il s’agit d’une faute simple, est de saisir le Conseil de Prud’hommes.

Pour cela nous vous invitons à consulter l’article que nous avons rédigé sur le sujet : Comment contester son licenciement : saisir le Conseil de Prud’hommes.

https://www.ledroitetlapratique.fr/litiges/comment-contester-son-licenciement-saisir-le-conseil-de-prud-hommes


Qui doit prouver la faute grave ?

C’est à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave (Cass. Soc 05/03/1981 n°78-41806).

Concrètement cela signifie que lorsque l’employeur licencie il doit être en mesure de prouver, grâce à des pièces (courriers, mails, témoignages) l’existence d’une faute grave et son imputabilité au salarié licencié.

Cependant, cette question de la preuve de la faute grave ne sera posée que si le salarié licencié intente une action devant le Conseil de Prud’hommes.

Dans un tel cas, l’employeur devra apporter les preuves de la faute grave s’il ne veut pas que le licenciement soit invalidé.

S’il ne le fait pas les juges retiendront qu’il s’agit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et accorderont une indemnisation au salarié licencié.

Si l’employeur apporte des preuves de la faute grave, le salarié a la possibilité d’apporter ses éléments de preuves, ses pièces, afin de contrer celles de l’employeur.

Ce sont les juges du Conseil de Prud’hommes qui décideront si la faute grave est établie ou non au vu des éléments apportés par les deux parties.

Les juges prud’homaux peuvent également décider qu’il ne s’agit pas d’une faute grave mais d’une faute simple.

Dans un tel cas, le salarié licencié percevra ses indemnités de rupture.


Idées reçues sur la faute grave :

Je ne peux pas être licencié pour faute grave sans avoir reçu d’autres sanctions préalables ?

FAUX.

Si le fait fautif est suffisamment grave il peut entrainer l’engagement d’une procédure de licenciement pour faute grave même en l’absence de passé disciplinaire dans l’entreprise.

En revanche, vous ne pouvez pas être licencié pour faute grave pour un fait minime et qui n’est n’a pas été répété. Exemple : un retard.

L’employeur doit porter plaine s’il veut me licencier pour faute grave ?

FAUX.

Même si vous avez commis une infraction pénale (un vol par exemple) l’employeur n’est pas obligé de porter plainte à votre encontre afin que la faute grave soit valide (Cass. Soc 04/06/1984 n°8142907).

Je n’aurai pas le droit au chômage si je suis licencié pour faute grave ?

FAUX.

Tout licenciement permet de s’inscrire à Pôle Emploi et de percevoir les allocations chômage.

Nous vous conseillons la lecture d'un article que nous avons rédigé sur ce sujet:

https://www.ledroitetlapratique.fr/travail-chomage-retraite/d%C3%A9mission-licenciement-rupture-conventionnelle-dans-quels-cas-ai-je-le-droit-au-ch%C3%B4mage


Mon employeur n’a pas le droit de me licencier pour faute grave si je suis en arrêt de travail ?

FAUX.

Un employeur peut vous licencier pour faute grave si vous êtes en arrêt maladie à la condition que la faute grave ait été commise avant votre arrêt de travail.

Nous vous conseillons la lecture d'un article que nous avons rédigé sur ce sujet:

https://www.ledroitetlapratique.fr/travail-chomage-retraite/est-ce-que-mon-employeur-peut-me-licencier-si-je-suis-malade-en-arr%C3%AAt-maladie 


Commentaires
* L'e-mail ne sera pas publié sur le site web.
CE SITE A ÉTÉ CONSTRUIT EN UTILISANT